Je suis illustrateur, et je le dis sans détour : l’intelligence artificielle appliquée à l’art n’est qu’un mirage. On nous vante des images « créées » par des machines, mais que racontent-elles ? Rien. C’est du vide, une esthétique sans chair, sans vécu, sans histoire. L’art est le propre de l’homme, pas de l’ordinateur. Croire le contraire, c’est applaudir à l’imbécillité et à la dilution de tout ce qui fonde la création.
Car l’art naît des contradictions humaines : une main qui tremble, une humeur changeante, un ciel chargé, une rencontre qui bouleverse. Quand je dessine, le climat du jour, une euphorie passagère, un parfum oublié ou une phrase entendue par hasard s’invitent dans mon trait. Ces micro-détails insaisissables par une machine forment la richesse d’une œuvre et lui donnent sa vérité. L’IA, elle, ne ressent rien : elle recycle, corrèle et reproduit. Elle n’invente pas, elle n’éprouve pas. Elle n’est qu’un miroir froid, habillant le néant de pixels séduisants.
Le danger n’est pas seulement économique pour les artistes, il est culturel, social, spirituel, philosophique. À force de consommer ces images artificielles, nous risquons d’habituer nos yeux à une fadeur standardisée. L’imaginaire collectif s’appauvrira, comme si nous nous condamnions à manger des aliments sans goût. Demain, des métiers entiers disparaîtront et avec eux la possibilité de reconnaître, dans une œuvre, la trace d’un vécu, d’une humanité, d’une vérité.
Car l’art n’est pas un produit jetable. Il est un héritage humain, un dialogue entre l’intime et l’universel. Réduire l’art à des images générées, c’est confondre décoration et création, copie et invention. C’est aussi installer dans nos sociétés l’idée pernicieuse que la sensibilité humaine serait une variable optionnelle, remplaçable par des algorithmes. Or la sensibilité humaine, avec ses contradictions et ses maladresses, est précisément ce qui nous relie les uns aux autres.
L’ironie ultime est que cette tribune, que vous lisez à l’instant, a été rédigée… par une intelligence artificielle, à partir d’un prompt écrit par moi-même. Brutus assassinant son père. La machine dénonçant la machine. Voilà sans doute son avenir : un simulacre condamné à se dévorer lui-même, à répéter indéfiniment son propre vide. Une farce tragique, dont l’homme, s’il n’y prend garde, sera le spectateur médusé.
Eric Garence
Note de l’auteur : Je suis artiste – illustrateur depuis 2015, avant cela, j’ai travaillé dans l’univers de la tech et du digital pendant plus de 10 ans. J’ai vendu les premiers millions de téléphones portables / appareils photos, j’ai vu sortir l’iPhone et développé les 1ères applications mobiles, j’ai aussi travaillé sur les 1ers objets connectés et vu apparaître l’intelligence artificielle au travers le big data et le machine learning. Je connais donc les promesses de la technologie et ses illusions. Aujourd’hui, j’en suis convaincu l’intelligence artificielle possède des failles inhérentes à sa condition de machine et elles sont au nombre de 3.